Après avoir refusé de répondre à ma question sur le cumul de ses indemnités, lors de notre débat d'orientation budgétaire (lire ici), Florian Bouquet, président du Conseil Départemental, a finalement été obligé de réagir le lendemain, sous la pression médiatique.
Il a reconnu qu'il avait bien conservé sa rémunération d'attaché parlementaire pendant un an après sa prise de fonction comme président, soit jusqu'en mars 2016.
M. Bouquet affirme aujourd'hui, sur le blog politique de France 3, que cela n'avait "rien d'immoral". De tels propos sont inacceptables.
Financièrement, n'y a-t-il « rien d'immoral » à "se servir sur la bête" en cumulant les indemnités publiques ?
D'avril 2015 à mars 2016, M. Bouquet a gagné tous les mois:
- 3600 euros nets (président du Conseil départemental) +
- la bonification de la commission permanente +
- 1256 euros nets (vice-président de la CAB) +
- 760 euros nets (président du SDIS) +
- 2000 euros nets (président de Territoire Habitat) +
- 2611 euros par mois avec la rémunération d'attaché parlementaire du député Meslot (s'il a conservé la même rémunération qu'avant son élection).
Au total, Florian Bouquet cumulait près de 10.000 euros de fonds publics par mois.
Il essaie de le faire oublier, en nous faisant croire qu’aujourd’hui, il ne gagne que 3600 euros par mois…il reste Président de Territoire Habitat et du SDIS et semble oublier une nouvelle fois de l'indiquer aux contribuables.
Chercherait-il à prendre les gens pour des imbéciles en leur faisant croire que la fonction de Président du Conseil départemental du Territoire de Belfort est compatible avec un poste d’assistant parlementaire. La simple ouverture de son agenda devrait permettre de voir que ce n’était pas matériellement possible.
N’y a-t-il "rien d’immoral", à l'heure où nos concitoyens vivent des fins de mois difficiles, et où on leur demande des sacrifices, pendant que d'autres se servent ?
Plus globalement, j'avais proposé il y a 10 jours de nouvelles règles pour la transparence sur le métier d'attaché parlementaire. Le Conseil départemental du Territoire de Belfort a mis en place un "contrôleur aux fraudes RSA"; très bien. Mais je pense qu'il faudrait créer nationalement un poste de "contrôleur aux fraudes d'indemnités d'attaché parlementaire" : je crois qu'il y aurait là quelques millions d'euros à récupérer, en exigeant le remboursement des sommes dont on prouverait qu’elles ont été détournées.
Légalement, sur le cas Florian Bouquet, il y a un autre problème, et les faits sont là aussi très graves. Pour moi, il y a eu volonté de cacher cette rémunération et ce lien à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
En effet, Florian Bouquet n’a pas rempli sincèrement sa déclaration d’intérêt au moment de sa prise de fonction. Le but de cette première déclaration était seulement de dire ce qu’il gagnait avant sa prise de fonction. Des erreurs, ou omissions s’y trouvent : ce n’est pas l’Assemblée nationale qui était son employeur, mais le député-maire de Belfort Damien Meslot, homme politique de premier plan dans le département que M. Bouquet préside désormais. Et cela constitue bien un conflit d’intérêts qu’il était obligatoire de signaler à la Haute Autorité. Un conflit d’intérêt, dit la loi de 2013, est « une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ». En l’espèce, c’est bien le cas.
Pour le budget du SDIS par exemple, lorsque le président Bouquet demande une réduction importante de la participation de la CAB, présidée par son employeur-député, défend-il l’intérêt de son employeur ou celui de la collectivité qu’il préside ?
C’est pour surveiller ce genre d’opérations – et éventuellement donner son accord si tout est ok – que la Haute Autorité demande à connaître tous les conflits d’intérêts potentiels.
Florian Bouquet avait deux mois après sa nomination pour signaler ce lien avec le député-maire à la Haute-Autorité, surtout si – comme il l’indique – son temps de travail a été modifié : un nouveau contrat de travail a donc dû être rédigé, ce qui constitue bien un fait nouveau à signaler.
Idem pour Damien Meslot, qui a normalement rempli sa déclaration d’intérêts en 2014, signalant Florian Bouquet comme attaché parlementaire. Mais il aurait dû signaler au plus tard en juin 2015 le fait que son attaché parlementaire, qu’il continuait à rémunérer, était devenu président du Département. Il a fallu attendre le 6 février 2017 - il y a cinq jours - pour que M. Meslot mette à jour sa déclaration à la Haute-Autorité, excluant maintenant M. Bouquet, qu’il ne rémunère plus depuis avril 2016.
Bref, tout cela donne clairement l’impression que la rémunération de M. Bouquet a voulu être cachée. Il faut donc qu’il rédige enfin une déclaration d’intérêts correcte, avec toutes les modifications intervenues depuis qu’il est président, afin qu’il revienne normalement dans la loi.
Il va falloir enfin redonner toute sa crédibilité à notre département, en montrant sa totale indépendance vis-à-vis des autres collectivités et élus du Territoire de Belfort, afin d’agir en toute indépendance, dans l’unique intérêt général des habitants.
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