Alstom Power et Grid sont à vendre, et plus personne ne semble en mesure aujourd’hui d’empêcher cette transaction. L’américain General Electric est le mieux positionné pour emporter l’affaire, avec une offre de plus de 13 milliards d’euros. Cette somme devrait permettre à Alstom de se recentrer dans le domaine du ferroviaire, qui emploie plusieurs centaines de personnes à Belfort. Mais Siemens n’a pas dit son dernier mot.
Je crois qu’à cette phase plusieurs analyses sont à apporter, autour d’éléments simples.
1/ C’est triste de voir un fleuron de l’économie française – qui dégage toujours du bénéfice, mais qui risquait de connaitre des difficultés financières à court terme – passer sous pavillon étranger, mais il n’y a sans doute plus d’autre choix aujourd’hui si l’on veut préserver les emplois.
2/ C’est le résultat d’un grave manquement de l’Etat français depuis de longues années.
Dans les années 1970, malgré la crise pétrolière, il y avait un commissariat au Plan chargé de faire de la prospective sur les grands dossiers industriels. C’est ainsi que la recherche appliquée a permis de faire naître la fusée Ariane, Airbus, le TGV… Or aujourd’hui, plus de réflexion de ce type : on laisse les choses se faire, inéluctablement.
Il n'existe plus de vision industrielle et il n'y a plus aucun moyen d'anticiper et de se projeter stratégiquement sur l'avenir. Et comme notre économie nationale est fragile, nos entreprises passent les unes après les autres sous le contrôle d’entreprises d’autres pays. Nous assistons actuellement à une grande braderie ... et ceci dans une sorte d’impuissance et surtout d'une absence totale d'anticipation.
Pas grave dirons certains…Eh bien si, inquiétant et très grave même : car la réussite de ces entreprises, avec le savoir-faire technologique et la main d’œuvre française, enrichira d’autres pays que la France… Avec toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête : le risque avéré et persistant d’une délocalisation de la production. Ce ne sont pas les exemples qui manquent...
3/ Il est clair qu’aujourd’hui, face à la mondialisation et à la globalisation, une entreprise seule ne peut pas réussir dans son coin : elle doit conclure des partenariats industriels
4/ Le marché mondial de l’énergie est quasi à l’arrêt depuis 2008, mais l’on sait qu’à moyen et long terme il va être en totale explosion
Il y aura une très forte demande en production d’électricité demain dans le monde, en Asie, mais aussi et surtout en Afrique où la France a plus de points d’entrée que les Américains, les Allemands ou les Asiatiques. Pour gagner ces futurs marchés, le savoir-faire français sera indispensable a tout repreneur.
5/ Pour les élus locaux, pour les salariés et la population, il faut maintenant être pragmatique et réaliste, autour d’une seule question : qui pourra garantir la pérennité des emplois d’Alstom à Belfort ?
A date, il semble que le projet le plus cohérent soit porté par General Electric : leader mondial des turbines à gaz (fabriquées autrefois par Alstom sous licence de General Electric !), l’entreprise américaine reprendrait des activités complémentaires dans le domaine des turbines vapeur, des cycles combinés, du retrofit pour les centrales nucléaires, ou de l’éolien offshore (où GE travaille déjà avec Alstom). Sur ces segments de marchés, Siemens est directement concurrent d’Alstom, et un rapprochement avec l'industriel allemand risque de se faire avec une importante casse sociale ; attendons cependant de voir l'offre ferme de Siemens avant de porter un jugement définitif.
6/ Belfort doit rester la capitale mondiale de l’énergie
Avec plus de 5000 emplois industriels liés à l’énergie, avec localement une cinquantaine d’entreprises sous-traitantes, la présence de deux leaders mondiaux - Alstom et General Electric - et la structuration d’une vraie filière autour de la « Vallée de l’énergie », Belfort est pour moi la capitale mondiale de l’énergie. Elle doit le rester, et elle doit se développer : nous devons devenir une véritable « Silicon Valley » de l’énergie. C’est un élément à placer au cœur des négociations entre propriétaire actuel d’Alstom, repreneurs, gouvernement et décideurs locaux. L'opportunité est historique pour Belfort. Il s'agit d'être proactif et innovant.
- Le repreneur General Electric a déjà son siège européen à Belfort. Il doit s’engager à renforcer son implantation dans la ville en pérennisant localement l’emploi et en y développant des projets à la fois en recherche et développement et en production. Il est important que le gouvernement notamment l’impose dans le cadre de ses négociations sur la « localisation des emplois en France ».
- Une dynamique locale à Belfort doit être engagée autour d’un tel pôle énergétique, associant industriels, collectivités locales et universités : c’est donner davantage de moyens et d'envergure à la Vallée de l’énergie par exemple.
- Tout cela doit se faire dans une logique de rayonnement, au niveau de l’aire urbaine et de la Région : j’attends avec impatience les prises de parole des élus de Montbéliard et Héricourt sur ce sujet ; la plupart se font très discrets…
Voilà des points sur lesquels nous devons travailler en urgence. Il n’y a pas de fatalité. Les élus locaux, les salariés et toute la population ont leur mot à dire dans ce dossier, stratégique pour l'avenir du développement industriel de l’aire urbaine.
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