Les réseaux sociaux et les médias locaux s'activent autour d'une polémique : la mise en place à la mi-octobre d'un abattoir rituel pour la fête du mouton des musulmans de Belfort. La passion qui entoure ce sujet (plus de 20000 signataires pour la pétition nationale mise en ligne sur internet...) n'est pas propice à un débat calme et raisonné. C'est pourtant une analyse dépassionnée que je vous propose ici, sans calcul électoraliste ou opportuniste.
Il serait tellement plus simple de dire que tout le monde a raison, en
flattant à la fois les musulmans, l'extrême-droite et les amis des animaux. Je
laisse à d'autres candidats le soin de faire ce grand écart... Ce n'est pas ma
façon de faire de la politique. Ce n'est pas comme cela que l'on doit agir si
l'on veut être demain un maire de Belfort responsable, garant de la cohésion et
de l'intérêt général de tous les Belfortains.
Voilà donc mon "parler vrai"
1/ Fallait-il mettre en place un abattoir provisoire ?
D'un point de vue réglementaire et sanitaire, incontestablement oui. Les 900
moutons concernés par cette opération correspondent au nombre d'ovins abattus
chaque année à Belfort et son agglomération pour cette fête traditionnelle de
l'Aïd. Or, il n'y a plus aucun abattoir dans la région. Je préfère donc que
cela soit réglementé et suivi au niveau sanitaire, plutôt que de voir des
moutons égorgés, parfois dans des conditions épouvantables, dans des salles de
bain ou des pelouses. Avec des viscères parfois jetés dans les poubelles...
2/ Dans quel cadre légal cet abattoir provisoire a-t-il aménagé ?
La communauté musulmane de Belfort n'a pas voulu donner l'image négative
ci-dessus, véhiculée par certains pratiquants peu scrupuleux ou peu
expérimentés. Elle s'est organisée et unifiée: c'est la première fois que les 4
mosquées de Belfort (Lunette 18, rue de Londres, de Thann et Lebleu) se sont
mis d'accord entre elles pour monter ce projet. C'est très précieux pour les
autorités (préfecture, municipalités...) d'avoir un seul interlocuteur.
Une commission s'est réunie en préfecture pour examiner l'intérêt du projet et
notamment les aspects sanitaires. Elle a rendu un avis positif. Le maire de
Belfort a ensuite signé un arrêté municipal, qui est visible par tous sur les
panneaux d'affichage de la mairie.
3/ La place Robespierre est-elle l'endroit idéal pour cet abattoir rituel ?
Pour moi, la réponse est non. Il y avait des lieux plus adaptés.
Ce qui est choquant avec cette localisation, c'est que c'est au cœur de la
ville, au vu et au su de tout le monde, alors que des gens n’habitent pas très
loin. Butzbach a-t-il voulu jouer la provocation pour faire monter l'extrême-droite
avant les élections municipales ?
Une telle question aurait dû faire l'objet d'un rapport au conseil municipal, afin de dégager une large majorité autour du projet, et d'identifier un lieu qui fasse l'unanimité.
Certes, tout cela se déroulera sous chapiteau, à l'abri des regards, mais
quand même...
Il faut savoir qu'un abattoir provisoire n'est pas une première dans
l'agglomération de Belfort. Depuis la fermeture de l'abattoir de Belfort, il y
a déjà eu ce type d'équipement pour la fête de l'Aïd, mais l'abattoir
provisoire était prévu près des gravières de Sevenans-Andelnans. C'est une
localisation de ce type qu'il aurait fallu privilégier.
4/ Et la souffrance animale ?
Je suis farouchement opposé à toute violence faite aux animaux. Mais en l'espèce, l'abattage tel qu'il se pratique là est parfaitement conforme aux règles européennes et à la loi française. Si la loi n'est pas assez exigeante, il faut la changer, mais nationalement. Pour cela, il faut saisir nos députés.
Au-delà de l'aspect réglementaire, et sans donner de "cours d'abattage", il faut rappeler que ce sont des bouchers professionnels qui pratiquent. L'animal souffre sans doute moins que lorsque ce sont des particuliers inexpérimentés qui font cela chez eux. Et s'il n'y avait pas ce lieu centralisé, c'est bien comme cela que cela se pratiquerait.
Il pourrait être utile, pour les responsables du projet, de communiquer pour rassurer les "amis des animaux" sur la technique employée.
5/ Et la laïcité ?
La laïcité, c'est permettre à tous les Français de pratiquer leur religion, ou de ne pas pratiquer de religion. Lorsque l'exercice de ces cultes agit sur la voie publique, ou impacte l'urbanisme au niveau sanitaire par exemple, c'est bien à l'Etat et aux collectivités d'intervenir pour dire ce qu'ils autorisent ou non. Il n'y a donc pas, sur le principe, d'atteinte à la laïcité.
En conclusion, un abattoir provisoire voulu par toutes les associations de musulmans de Belfort est plutôt une bonne chose au niveau sanitaire. Mais il aurait mieux valu trouver un lieu plus à l'écart qu'un centre-ville... Quant à la souffrance animale, elle ne me laisse pas indifférent, bien au contraire, mais les lois sont respectées. S'il faut les modifier, c'est au niveau national qu'il faut agir.
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