Ils seraient plusieurs centaines à être enterrés sous de faux noms dans les nécropoles militaires françaises.
Comme vous le savez, je viens, avec Bernard Cuquemelle, de mener un important travail de recherche sur les poilus de Belfort, morts en 1914-18, et dont près de la moitié étaient originaires d'Alsace (« Livre d’or des enfants de Belfort morts en 1914-18 », Les Editions du Lion)
Avec Bernard Cuquemelle, nous nous sommes très vite aperçus que de très nombreux Alsaciens morts pour la France, étaient enterrés sous de faux noms dans les nécropoles militaires françaises.
La raison en est simple. En 1914, l'Alsace est allemande. Les Alsaciens qui s'engagent dans l'armée française sont considérés, par l'Armée allemande, comme des traitres et des déserteurs, risquant d'être fusillés.
En accord avec l'autorité militaire française, les Alsaciens-Lorrains s'engagent donc sous de faux noms, à consonance plus française, et déclarent souvent de faux lieux de naissance, en France "de l'intérieur". Cette identité "francisée" devient leur seule identité dans les régiments et unités de combats.
Mais lorsque certains trouvent la mort, et sont enterrés, l'autorité militaire française oublie de rétablir leur véritable identité...
Plusieurs centaines de combattants alsaciens se retrouvent donc enterrés sous les noms d'Aigret, Baton, Belot, Chauviere, Clément, Dieudonné, Forestier, Leroy, alors qu'ils s'appellent Sauer, Stackeler, Pflimlin, Edel, Raeppel, Freund, Schmitt, Boesch...
Avec Bernard Cuquemelle, nous avons fait leur décompte : sur les 1200 premiers engagés volontaires du seul bureau de recrutement de Besançon, on compte 210 morts pour la France. 52 sont aujourd’hui encore enterrés dans les nécropoles militaires et 25% le sont sous un faux nom.
Cela représenterait au total, sur toute la France, plus de 300 soldats alsaciens enterrés sous de faux noms.
Nous venons de faire remonter le problème au ministère, au Souvenir français ainsi qu’aux élus locaux alsaciens, sensibles à cette cause. Nous demandons qu’un inventaire total soit effectué, et les plaques remplacées. Budgétairement, cela ne coûterait que très peu, mais, humainement, ce serait une étape importante pour le devoir de mémoire autour de ces soldats alsaciens oubliés.
Quelques exemples
- Charles WENDT, natif de Guebwiller (Haut-Rhin), s’engage à Besançon en août 1914. Il choisit LEROY comme faux nom et se déclare faussement né à Héricourt (Haute-Saône). Il est aujourd’hui enterré sous le nom de « Charles Leroy » au carré militaire de Cernay (Haut-Rhin), alors qu’il figure bien sous le nom de « Charles Wendt » sur le monument aux morts de Guebwiller.
- Henri REICHENBACH, né en 1868 à Mulhouse, est enterré sous le nom d’ « Henri QUESNEL » au carré militaire d’Angers (Maine-et-Loire)
- Emile SCHMITT, né en 1872 à Mulhouse, mort en tant que prisonnier de guerre en Allemagne, est enterré sous le nom d’Emile LAFORGE à la nécropole nationale de Sarrebourg (Moselle).
- Louis PFLIMLIN, né en 1894 à Riedisheim (Haut-Rhin), faussement natif de Lachapelle (Territoire de Belfort), est enterré sous le nom de Louis BELOT au carré militaire d’Houdun (Pas-de-Calais).
- Léon NOTH, engagé volontaire né à Strasbourg en 1881, faussement né à Dole (Jura), est enterré sous le nom de Léon FELIX à la nécropole de Guebwiller (Haut-Rhin).
- Charles EDEL, né en 1894 à Bitschwiller (haut-Rhin), est enterré sous le nom de Joseph CABURET à la nécropole de Souain (Marne).
Je vous ai entendu sur ce sujet ce matin sur RTL et Libération vient de publier un article dessus. Voici le lien. Félicitations à vous M. Grudler !
http://www.liberation.fr/france/2016/11/11/11-novembre-les-alsaciens-ces-soldats-toujours-inconnus_1527624
Rédigé par : Albert | 11 novembre 2016 à 15:21