Le sénateur Cédric Perrin et l’ancien Ministre Jean-Pierre Chevènement ont publié une tribune dans les colonnes du quotidien Le Monde, le 22 avril, sous le titre « L’action de nos militaires n’est guère compatible avec les 35 heures ».
En tant que député européen, membre de la Commission Sécurité et Défense, issu du Territoire de Belfort, terre historiquement militaire, j'appelle à dépassionner la question.
Ce débat ouvert par les récentes conclusions de l’Avocat Général de la Cour de Justice de l’Union Européenne plaidant en faveur de l‘application de la directive réglementant le temps de travail aux forces armées est bien moins caricatural que ce que l’on veut en dire.
Pour commencer, il faut bien comprendre qu’à ce stade nous sommes en attente de la décision de justice européenne, sur laquelle nous n’avons pas de levier. Les conclusions de l’Avocat Général pourraient ne pas être suivies par la décision finale des juges européens .
L’affaire en question, suite à un recours pour le paiement de tours de garde d’un ancien sous-officier slovène, pose la question de l’applicabilité de la directive 2003-88 à nos militaires. Cette dernière impose aux États membres une série de « prescriptions minimales » en matière d’aménagement du temps de travail. Par exemple, tout travailleur doit pouvoir bénéficier d’un temps de pause pour un travail journalier supérieur à six heures, d’une durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures, etc ... , mais aucune mention des 35 heures, comme on veut bien le faire croire !
De plus, les conclusions de l’Avocat Général prennent bien soin de lister «les activités spécifiques des forces armées » pour lesquelles la directive en question ne s’appliquerait pas. C’est notamment le cas « dans le cadre d’opérations militaires » pour lesquelles l’Avocat Général reconnait que «la disponibilité et l’engagement des militaires doivent être complets» mais aussi pour « l’entrainement et les exercices effectués par les militaires à des fins de préparation opérationnelle ». Ainsi, oser faire un raccourci entre la décision à venir de la CJUE et l’idée que nos militaires seront bientôt amenés à quitter les champs de batailles au terme de leurs temps de travail réglementaire n’est pas sérieux un seul instant.
Néanmoins sur le fond, les signataires de la tribune ont en partie raison : « La France dispose au sein de l’UE de la plus grande capacité de projection pour des opérations extérieures, ce qui justifierait en soit que nous bénéficions d’une dérogation à une application de cette directive aux militaires. De plus cette singularité française est consacrée par notre Constitution qui veut que les forces armées soient disponibles en tout temps et tout lieu. Je rappelle que ce dernier point « ne peut être opposable à la France, encore moins dans le domaine de la Défense qui ne relève pas d’une compétence spécifique de l’Union Européenne ». Le fonds européen de la Défense est quant à lui uniquement un instrument pour coordonner les industries de la Défense entre les pays, pour porter des projets nouveaux utiles à nos armées.
Je suis en contact avec notre Ministre de la Défense, Florence Parly, et je travaille sur le dossier avec Nathalie Loiseau, la présidente de la Commission Sécurité et Défense (SEDE) au Parlement Européen, commission dont je suis également membre. À ce stade nous attendons la décision de la Cour, dont nous espérons qu’elle reconnaisse une exception française, eu égard au rôle essentiel de notre armée nationale pour la sécurité européenne ». Enfin, l’Union Européenne ne doit pas être pointée comme le problème, mais comme la solution. En effet, pour écarter durablement cette controverse autour de l’interprétation de la directive 2003-88, le meilleur moyen est de la réformer en ce sens, ce à quoi nous travaillons activement avec la délégation Renaissance au sein du Parlement Européen.
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