Le conseil municipal de Belfort s'est réuni en séance extraordinaire ce samedi 12 septembre pour débaptiser l'actuelle rue Pierre Dreyfus-Schmidt, et la rebaptiser "rue Pierre et Michel Dreyfus-Schmidt". L'occasion de rendre hommage au sénateur de Belfort Michel Dreyfus-Schmidt, décédé il y a un an. Le baptême de la rue a été voté à l'unanimité des conseillers municipaux (groupe majoritaire, groupe Tous Ensemble pour Belfort et groupe Un Nouveau souffle pour Belfort). Voici l'intervention de Christophe Grudler lors de ce conseil municipal extraordinaire.
"Lorsqu’il s’agit de mettre à l’honneur une personnalité récemment disparue, il y a toujours le risque d’en faire de trop, mais il y a également le risque d’en faire trop peu.
Ce moment de mémoire que vous nous proposez aujourd’hui, Monsieur le Maire, a su trouver le ton juste, et nous nous y associons entièrement, en communion également avec la famille de Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous respectons ici la position constante de notre groupe Un Nouveau Souffle pour Belfort. Lorsqu’un homme public a consacré toute sa vie et son énergie à la cause de la ville de Belfort, quelle qu’ait été son appartenance politique, nous souhaitons qu’il puisse lui être rendu hommage, notamment sous la forme du baptême d’un nom de rue de la ville.
Si Michel Dreyfus-Schmidt avait siégé au sein de ce conseil municipal aujourd’hui, je crois cependant qu’il aurait râlé…Non pas contre l’idée que vous nous proposez, Monsieur le Maire, mais contre le fait que cette dénomination soit faite sans passer au préalable devant la Commission des noms de rue, où il a siégé pendant de longues années. J’ai eu le plaisir de siéger à ses côtés au sein de cette commission. Combien de fois s’est-il emporté, ici même au conseil, lorsque cette commission n’avait pas été saisie au préalable !
Mais plus sérieusement, il n’était pas utile de saisir cette « commission des noms de rue » aujourd’hui, tant nous sommes certains que la proposition que vous nous faites, Monsieur le Maire, obtiendra l’approbation de l’ensemble des conseillers municipaux de Belfort.
Oui, c’est une bonne idée d’associer le père et du fils dans le nom d’une même rue, à quelques centaines de mètres de l’immeuble où tous les deux habitaient. Les deux hommes étaient très unis, comme toute la famille, et Pierre avait aussi préparé le terrain politique pour Michel.
Historiquement, il est incontestable que la famille Dreyfus-Schmidt a marqué fortement le Belfort du milieu et de la fin du XXe siècle.
Pierre Dreyfus-Schmidt, maire de 1935 à 1964, avec des interruptions pour cause de guerre, ou pour mener à bien son mandat de député, a façonné le Belfort d’après-guerre, en plein boum démographique. Il a même réussi la prouesse politique de « faire bouger les lignes » avant l’heure. Pas pour "l'union de la gauche", comme vous l'avez dit Monsieur le maire, mais pour "l'union de tout ceux qui veulent faire avancer Belfort". Personne n’oublie qu’il a été réélu maire de Belfort en 1959 avec les voix du PSU, de la SFIO, du MRP et des gaullistes. Voilà, sans doute, le signe de la reconnaissance du travail accompli, et aussi un bel exemple à suivre.
Pierre Dreyfus-Schmidt disait aussi, à ceux qui lui reprochait d'avoir changé de parti: "Ce ne sont pas les hommes politiques qui changent d'étiquette. Ce sont les partis qui changent de nature. Pour rester eux-mêmes, les hommes doivent donc parfois changer d'étiquette".
Michel Dreyfus-Schmidt, député puis sénateur, a aussi marqué la vie politique belfortaine. C’était un défenseur acharné de la cause de Belfort. Et il savait reconnaître cela également chez ceux qui n’étaient pas de son camp politique. Il savait que derrière les élus se cachent des être humains qui ne sont pas forcément mauvais parce qu’ils n’ont pas vos convictions politiques.
Je me souviens de violentes passes d’armes politiques en séance publique du conseil, suivies à la fin de la réunion d’échanges d’une courtoisie raffinée.
Ce Michel Dreyfus-Schmidt convivial et chaleureux en tant qu’être humain savait aussi revêtir sa cape d’élu national et local pour des combats plus idéologiques où nous nous retrouvions parfois - comme pour sauver le Tribunal de Belfort - mais où nous nous affrontions aussi, parfois avec véhémence. Mais par des attaques dignes, sans jamais mélanger les genres entre l’élu avec lequel on pouvait être en opposition, et l’être humain qui méritait le respect. Seuls les hommes politiques ayant un peu d’envergure sont capables de faire cette distinction.
En tant qu’historien, je me souviens de longs échanges chez lui, quai Vauban, autour des albums photos de sa famille. Là évoquant les week-ends au Ballon d’Alsace avec son père. Là montrant un Belfortain dont il retraçait dans le détail l’histoire de la famille.
Pierre Dreyfus-Schmidt, tout comme son fils, aimait particulièrement le poète belfortain Léon Deubel. A tel point qu’il a fait graver l’un de ses vers sur le mur du cimetière de Bellevue, citation connue que l’un et l’autre aimaient déclamer :
La rue « Pierre et Michel Dreyfus-Schmidt » que nous allons inaugurer tout à l’heure s’appelait autrefois rue de la République : la République, une autre raison forte de leur engagement. En paraphrasant le grand Léon Deubel, nous pourrions dire aujourd’hui
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