Jusqu'à aujourd'hui, nous étions certains que la ville de Belfort se limitait au Moyen Âge à l'espace compris entre la roche du château et une ligne qui irait de la rue du Quai à la rue des Boucheries (au niveau de l'actuelle cathédrale Saint-Christophe). La place d'armes, disaient les historiens, était un espace libre uniquement aménagé par Vauban, à partir de 1687. Mais les fouilles nous prouvent aujourd'hui qu'il y avait quelque chose avant. Une découverte majeure, pour laquelle j'ai une hypothèse à vous communiquer aujourd'hui.
En fait, jusqu’à maintenant, les historiens se sont tous fait avoir (moi y compris) par les recherches du XIXe siècle. Elles se sont appuyées sur la seule iconographie connue : la « vue pittoresque de Belfort vers 1675 » réalisée par un gentilhomme français, Monsieur de L’Hermine (vue ci-dessous).
Ce dessin a été réalisé vers 1705 par l’auteur
du livre afin de valoriser les travaux de Vauban. Il affirmait qu’avant Vauban,
la ville de Belfort était « la plus triste et désagréable du monde »
et que le château était un « nid à rats ». Son œuvre est très
orientée : elle a pour but de prouver que c’est la France et Vauban qui
ont sorti Belfort du Moyen Age… Aussi, lorsqu’il reconstitue au début du XVIIIe
siècle une vue de Belfort avant les travaux de Vauban, il ne reproduit pas les
éléments modernes de fortification se trouvant devant la porte des Capucins
(appelée alors Porte Basse)… Il y laisse des vergers et des prairies.
Ce qui permet de dire en 1675 que la ville est entourée « d’un petit mur de cloître fort mauvais, flanqué de deux ou trois méchantes tours ne pouvant servir à sa fortification et le tout environné d’un petit fossé presque comble ».
Lorsque Papuchon réalise en 1889 des plans de Belfort du XVe au XIXe siècle, il reprend de L’Hermine et ne représente aucune construction devant la tour des Capucins. C’est une erreur.
Un indice aurait pourtant dû mettre la puce à l’oreille des historiens. En juin 1636, les Français s’emparent de Belfort grâce à Louis de Champagne, comte de la Suze. L’événement est relaté dans la Gazette de France de Théophraste Renaudot. Il détaille l’attaque devant la Porte des Capucins (que les Français font sauter grâce à un pétard, ancêtre de la bombe).
Et Renaudot dit que la porte en question était protégée « par
un ouvrage en demi-lune" attaquée par deux compagnies françaises. Donc
qu’il y avait bien des éléments de fortification devant la porte !!!
Lorsque j’ai préparé mon doctorat en Histoire à l’université de Strasbourg (sans pouvoir le soutenir faute de temps), j’étais tombé sur le projet autrichien de 1579, œuvre de l’architecte strasbourgeois Daniel Specklin. Il proposait, 100 ans avant Vauban, de fortifier la ville de Belfort en étoile selon un tracé bastionné. Les textes que j’avais trouvé laissaient entendre que ce projet n’avait jamais été réalisé, Specklin ayant été chargé prioritairement de monter les fortifications d’Ensisheim, la capitale de l’Alsace autrichienne, près de Mulhouse.
Mais les fouilles archéologiques sous la place d’Armes prouvent que le projet de Specklin a été en partie réalisé ! C’est donc bien lui – et non Vauban – qui a imaginé et en partie réalisé une fortification en étoile pour Belfort.
Le plan de Specklin de 1579 (photo ci-dessus) montre une fortification à angle saillant (sous l'actuelle place d'armes) devant la porte médiévale des Capucins (qui se trouvait entre l'actuelle prison et les Trois Maillets)
Les murs mis au jour place d’Armes correspondent exactement au tracé de l’ouvrage bastionné en demi-lune que Specklin avait imaginé pour protéger la porte des Capucins. Ses murs profilés faisaient un mètre de largeur, ce qui est exactement le cas pour celui mis au jour, huit mètres de haut et étaient protégés par de la terre en pente douce, pour figer dedans les boulets métalliques.
La Gazette de Renaudot avait donc bien raison de parler d’un ouvrage en demi-lune devant la Porte des Capucins en 1636.
A partir de cette déduction, à quand remontent les deux squelettes ? Là encore, émettons ensemble une hypothèse. Il pourrait s’agir de soldats protestants, qui ne pouvaient pas se faire inhumer dans la ville catholique. On les aurait donc inhumés hors la Ville, à la base d’un ouvrage de fortification. S’ils sont victimes de la guerre (ce que des traces sur les squelettes peuvent prouver), ils peuvent être des victimes suédoises de mars 1634 (200 morts dans leurs rangs pour assaillir Belfort) ou des victimes françaises protestantes de juin 1636 (28 morts). Il peut encore s’agir de protestants installés dans la ville avec le comte de la Suze entre 1636 et 1654, décédés de mort naturelle. Mais en tout cas, il est pour moi quasi certain qu’il s’agit de personnes ayant vécu dans la première moitié du XVIIe siècle.
Laissons maintenant les fouilles se poursuivre pour en apprendre davantage.
J'ai fait une conférence de presse ce vendredi 09 août pour exposer mon hypothèse.
" Lorsque Papuchon réalise en 1889 des plans de Belfort du XVe au XIXe siècle, il reprend de L’Hermine et ne représente aucune construction devant la tour des Capucins."
Pour le vérifier consulter l'ouvrage "Notice sur l'histoire militaire de Belfort, jointe à des vues et ... " sur Gallica :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8441854s.langFR vue n°6/10
Rédigé par : Philippe | 11 août 2013 à 13:31
A part l'irrespect du à une sépulture, Mme Guiot est à l'image des 3/4 des membres de ce conseil municipal: narcissiques et incompétents! Elle devrait s'occuper de sa mission d'adjointe aux sports et à la jeunesse, place qu'elle ne doit qu'a son clientélisme envers notre maire qui a écarté mme Schneider car trop indépendante pour l'y placer alors qu'on se demande encore de quel sport elle est spécialiste!
En tout cas bravo pour cette découverte qui redéfini l'histoire de l'évolution de la fortification dans notre région!
Rédigé par : zorro90 | 10 août 2013 à 11:23
et oui l histoire nous suit et nous emmenne vers notre avenir ...........bravo christophe pour la lecon d histoire elle nous rapproche de la veritee plus que jamais des hommes d hier avec recueillement et grace pour l eternitee ..........vive belfort et son histoire sachons etre chez nous toujours avec hier et demain soyons avec christophe grudler ...l homme qui parle d hier et de demain ........oui parlons en aujourd hui et parlons dans les urnes de 2014 ............
Rédigé par : anna | 10 août 2013 à 10:03
Mme Guiot, adjointe au maire, estime sur Twitter qu'avec la découverte des deux squelettes "la presse a un os à ronger " Y a encore du boulot pour convaincre de l'intérêt de l'Histoire de Belfort ! Et pour obtenir le respect dû aux Belfortains qui nous ont précédé.
Rédigé par : Christophe GRUDLER | 10 août 2013 à 09:58