Le dossier de la reprise d’Alstom est une action à multiples facettes. Pour Belfort, il y a bien sûr avant tout l’énergie (qui emploie plus de 5000 personnes) et le maintien global de l’emploi, tous secteurs industriels confondus. Mais attention à ne pas faire une victime collatérale : une fois la reprise actée, Alstom Transports se trouvera en position de faiblesse à Belfort… Sauf si industriels, Etat et collectivités locales se retroussent les manches ensemble. J’ai écrit en ce sens à Patrick Kron, le patron d’Alstom.
Réfléchissons tout d'abord sur les emplois à Belfort, pour tous les secteurs industriels (énergie et transports). Le patron de General Electric, reçu ce mercredi à l’Elysée, a promis la création de 1000 emplois en France, sur trois ans, s’il reprend Alstom.
Quelle était la perspective jusqu'à présent pour Alstom seul, qui faisait face à une importante baisse de son carnet de commandes ? Alstom a fait travailler ses équipes de direction sur une diminution forte de ses effectifs : on parlait de 5000 emplois supprimés dans le monde, dont plus de 500 sur le seul site de Belfort …
Donc, ce plan initial de suppressions d'emploi tomberait à l'eau, et GE proposerait de recréer de l'emploi rapidement, peut être en partie à Belfort (on sait que le marché de l'énergie va bientôt reprendre): l’équation serait bonne pour Belfort.
Une fois la branche Énergie d'Alstom reprise par l'un ou l'autre investisseur, la présence d’Alstom à Belfort se limitera à son activité Transports, qui fait travailler 550 personnes sur une toute petite partie du site. Cette activité apparaitra comme une enclave le long de l’avenue des Trois Chênes, au milieu d’un gros ensemble GE ou Siemens (52 ha pour le seul site Alstom historique + une trentaine d’hectares pour l’ancien site Bull).
A Belfort, Alstom Transports fabrique des motrices de TGV et des motrices Diesel. Elle fait un peu de réparation de machines, notamment pour la SNCF. Tout cela est fragile : les TGV ne se vendent pas beaucoup en ce moment, et les contrats pour les motrices Diesel (notamment avec l’Asie centrale) spécifient que la plupart des machines soient construites dans les pays acheteurs…
Mais par ailleurs, d’autres usines d’Alstom Transports sont en plein développement : Reichhoffen, La Rochelle, Ornans, où l’on fabrique des voitures pour trains, des trains régionaux ou des rames de métros ou tramways, marchés très dynamiques.
Bref, si on ne bouge pas, Alstom Transports peut être condamné à Belfort. Pourtant le site ne manque pas d’atouts :
- Historiquement, Alstom y fabrique des locomotives depuis 1879 (l’énergie est arrivée plus tard). C’est le plus ancien site du groupe. Une symbolique qui peut être utile..
- Foncièrement, il existe de vraies opportunités : des terrains et des bâtiments sont disponibles, avec la proximité immédiate du chemin de fer (voies Paris-Bâle + Strasbourg-Lyon).
- Techniquement, les salariés d’Alstom Belfort ont un savoir-faire extrêmement précieux.
- Humainement, il y a des ressources à Belfort : main d’œuvre immédiatement disponible pouvant être embauchée sur place en cas de montée en puissance.
Dans les négociations en cours actuellement, il faut que Belfort se positionne de façon forte et déterminée. Les collectivités locales et l’Etat doivent pouvoir montrer leur volonté d’accompagner les projets d’Alstom Transports à Belfort.
1/ dans le cadre d’un éventuel accord avec GE, il est d’ores et déjà acquis qu’Alstom Transports va récupérer l’activité "Signalétique" de GE. Battons-nous pour que cette activité se localise à Belfort.
2/ pour qu’Alstom Transports se renforce dans la réparation des trains (ce que l’on appellerait le « retrofit » dans l’énergie) utilisons une partie des 30 hectares de friche ferroviaire du dépôt SNCF de Belfort. Les voies de retournement, la rotonde, par exemple, n’ont plus aucune utilité depuis l’arrivée du TGV. Il faut voir comment cet espace foncier pourrait être cédé au profit d’une activité lié au ferroviaire
3/ voir auprès d’Alstom Transports tout autre type de projet ferroviaire pouvant être localisé à Belfort, afin de proposer un portage public-privé intelligent (avec la Sempat ou un autre outil économique).
J’ai développé ces points dans mon courrier à Patrick Kron, le patron d’Alstom.
En conclusion, redoublons d’initiatives pour défendre toutes les branches de notre activité industrielle locale : se limiter au secteur de l’énergie, sans se préoccuper de nos autres industries, serait une erreur qui pourrait nous coûter cher en terme d’emplois.
Tout cela est bien sûr question de volonté politique, et de la capacité d’union des élus locaux, pour parler d’une seule voie auprès des industriels et de l’Etat : le consensus local est la condition de la réussite. Au profit des salariés, de notre richesse économique locale, de Belfort et de toute l’aire urbaine.
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