C’est avec une profonde tristesse que j’apprends le décès de Janine Blum, 88 ans, ancienne déportée survivante d’Auschwitz. Un grand témoin est parti. Une grande dame s’en est allée.
J’ai connu Janine Blum il y a 18 ans, au détour d’une cérémonie du souvenir au « Monument des Fusillés » à Belfort. Fidèle parmi les fidèles, elle était de toutes les cérémonies en mémoire de la déportation. Discrète, elle assistait, avec une émotion certaine, à tous ces instants en la mémoire de tous ceux qui ne sont pas revenus. Et tout particulièrement pour sa sœur Mado à qui elle dédiait ses témoignages.
Mado, 15 ans, et Janine, 16 ans, Belfortaines réfugiées dans le Sud de la France, avaient été arrêtées par la Gestapo à Rodez en avril 1944. Leur faute ? Etre juives.
Deux sœurs unies dans l’épreuve, avec les mêmes liens sans doute, et presque le même âge, qu’Anne Frank et sa sœur…
Internées à Drancy, elles rejoignent le camp de concentration d’Auschwitz par le convoi 74 : 1200 personnes, dont 904 gazées dès l’arrivée… Janine et sa sœur sont sélectionnées parmi les 108 femmes survivantes pour travailler au camp dans des conditions épouvantables. Elles sont ensuite envoyées, affaiblies, au camp de Bergen-Belsen, puis Theresienstadt près de Prague, où Mado, la petite sœur chérie, meurt du typhus le 15 mai 1945…une semaine après la capitulation allemande ! « Quelle horreur, Mado a tout supporté pour en arriver là ! Ma petite sœur si douce qui ne se plaignait jamais ! », témoignera-t-elle plus tard devant des lycéens.
Janine sera rapatriée en juin 1945. Mais elle ne pourra jamais oublier, ni dans sa chair (son numéro d’Auschwitz tatoué sur le bras gauche), ni dans sa tête, ni dans son cœur. Elle a inlassablement témoigné devant les jeunes, pour transmettre la mémoire de la déportation, et faire que plus jamais de telles horreurs ne recommencent.
A l’heure où la montée de la violence, de la haine de l’autre, de l’antisémitisme, et plus globalement du racisme, minent encore le monde, à l’heure où des attentats et des tragédies forment une terrible actualité, Janine Blum a continué à témoigner. Sans cesse. Sans douter. Parce que c’est ainsi, par la persévérance, par l’édification des plus jeunes, que le bien triomphe toujours du mal. Un jour.
« Oh Terre de détresse, où nous devons sans cesse, piocher… », dit le Chant des Marais.
A côté de ce devoir de mémoire, Janine la Belfortaine a aussi eu la joie d’avoir une famille grande et unie : son mari Georges, leurs trois enfants et leurs nombreux petits-enfants. Préfiguration du monde de joie qu’elle voulait pour demain.
« Oh Terre d’allégresse, où nous pourrons sans cesse, aimer… », dit enfin le Chant des Marais, devenu le Chant des Déportés.
Les dernières grandes joies de Janine Blum auront été sa remise de la Légion d’Honneur le 11 novembre dernier à la mairie de Belfort. Et, il y a dix jours, le mariage de son petit-fils David. Pour l’occasion, la famille avait convié chez elle tous les proches, tous les amis, pour un grand et beau moment de fête, dans une journée radieuse. Entourée de ses amies, Janine était installée sur la terrasse. Nous avons encore échangé quelques mots.
Autour d’elle, partout étaient la vie et la jeunesse. En ayant ainsi traversé le temps, en ayant survécu à l’horreur, en ayant passé le relais aux nouvelles générations, Janine Blum pouvait avoir le sentiment du devoir accompli, et être fière de sa vie.
A son mari Georges, à leurs enfants, petits-enfants et à toute la famille, je présente mes condoléances émues.
Mme Janine Blum, le 11 Novembre dernier.
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